La dernière page
[Ou comment parler de tricherie]
Trois ans plus tard, j’écrasais les voitures en Légo de mon voisin
[voisin si tu me lis… désolée, mais elles étaient trop moches tes voitures de toute façon] avec
la massue de mon père [papa, si tu me lis, il est à peine 4hOO du mat’ chez
toi, alors tu peux retourner au lit, et puis ça ne t’intéressera pas ce que je
raconte ici].
Ensuite j’ai grandi, d’un coup – voilà les centimètres
dont je parle en n° 11 dans la liste là – mais, il aurait été trop triste d’avouer le
contraire, je suis bien entendu restée une mauvaise fille.
Je ne rappelais jamais les copines, j’ignorais les garçons
[et leurs foutues blagues à deux balles], je brisais trois cœurs au passage, et mon
voisin [le même que cité plus haut] s’est cassé les deux dents de devant à
cause de moi parce que je lui ai dit que j’étais plus aventurière que lui.
Par exemple, j’ai acheté un lecteur MP3 avec l’argent tombé
du sac à mains d’une mamie devant moi à la caisse [je lui aurai bien rendu sauf
qu’elle m’avait doublée et qu’elle a fait comme si elle ne savait pas pourquoi
je la regardais avec des yeux revolvers].
J’ai aussi brûlé la lettre d’admission à l’université de Paris
IV de ma colocataire histoire qu’on reste ensemble l’année suivante et qu’on
partage le loyer. [Oui, je sais, il est dangereux de vivre avec moi.]
Pour renforcer le tout, j’ai l’intime conviction d’être la
seule du groupe à avoir volé à l’étalage en dénonçant les autres pour ne pas
être retenue. [Les gars, si vous me lisez…]
Bref...
Tout ceci fait de moi une mauvaise fille au portrait peu glorieux. Vous me direz, les deux vont bien ensemble...
Comme je l’avouais à Second Flore – oui, je sais, c’est un
nom étrange pour une personne mais ne vous inquiétez pas, il mord pas – c’est
une sorte de politique de la non-surprise, ok, de tricherie, si vous y tenez, mais
c’est surtout pour ne pas être dégoûtée par une fin totalement inattendue et
décevante.
Et les auteurs ont le chic pour ça, pas la peine de mentir. 3OO pages dans un bouquin, ça ne veut pas dire 3OO pages extra.
Je ne vois pas là une forme de trahison pour les efforts de
l’auteur, n’exagérons pas.
Il m’arrive, heureusement pour eux et heureusement pour moi,
d’acheter certains bouquins même en ayant lu le mot de la fin avant son commencement.
C’est très mal élevé, je le sais bien, c’est comme roter à
table quand on n’est pas en Asie.
Mais c’est plus fort que moi. Rien à faire.
[Et je trouve aussi que je ne suis pas si mauvaise fille que
ça… Si ?]
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Attention bis : le public devait être averti que le
texte était à prendre à 50% au sérieux, à 45% avec une touche d’humour et avec
les 5% restant, comme il le voulait ;
Attention ter : j’aime bien mettre en garde quand il
est trop tard [une façon de vous faire lire le début de ce post à la fin comme si vous aussi, vous aviez triché ; je sais, je suis trop forte.]
Nota : la photo est tirée du merveilleux petit ouvrage de Laura
Stoddart Off the beaten Path et dont les illustrations, aussi exquises qu’un
beignet varsovien dans un après-midi ensoleillé, ne réclament pas de lire la
dernière page pour avoir envie de dévorer le contenu.
Bénit soit le beignet.