Hello
[dis bonjour à la
dame]
[et serre les
dents, tu seras gentille]
Billet un peu long avant lequel votre g. dévouée
a sagement éviter de s’observer dans la glace,
non rapport à sa coiffure alsacienne
mais bien davantage à sa transformation en créature
odieuse,
celle-là même qui se met à râler sur quelques
injustices de la vie.
[Moya faut qu’on parle]
La politesse dans
ma famille, ça a toujours été comme le jardin de Versailles : entretenu
à l’extrême.
Et je dirais
même mieux [si vous m’autorisez le jeu de mot facile] : c’est comme
une seconde nature.
Pas facile à
comprendre, on est lundi matin je sais.
Laissez-moi
traduire par des exemples.
D’abord il y a eu
les « ne mets pas tes coudes sur la table » ou « tiens-toi
droite » ou encore « ne parle pas la bouche pleine »…, tout ça
dans un registre plutôt classique.
Puis est venu le
temps des surprises comme « Va mettre une culotte ! »
[nan, je rigole
tsss]
[quoique]
Enfin, moins
évident quand on n’a pas encore dix ans, mes parents nous ont insufflés l’art
de devancer les choses. Par exemple si mon père avait besoin de s’asseoir il
fallait lui proposer une chaise.
Vous voyez sans
doute mieux les choses à présent.
Cependant, pour
une raison que j’ignorais [et que j’ignore encore] mes frères avaient toujours droit
à un traitement de faveur.
Comme si j’incarnais
mystérieusement le vilain petit canard et qu’il fallait passer beaucoup,
beaucoup plus de temps sur mon dos à surveiller mes moindres faits et gestes.
Je me dois de
vous avouer que c’était précisément dans ces moments-là que je prenais un
plaisir fou à ne pas faire ce qu’on attendait de moi.
[Bon, bah trop
souvent quand même parce que les fessées, ça marque hein]
Mais à n’en pas
douter, la petite fille sage comme une image donnait du fil à retordre.
Il était très
facile de me plonger dans un roman du siècle dernier sans jamais vraiment en
sortir…
A la seule
différence qu’au lieu de porter des robes sublimes, je traînais les pieds dans
des baskets trouées et je marchais sur mes pantalons toujours trop grands.
Mon plaisir à moi,
à l’inverse de bon nombre de petites filles, n’était pas tant de montrer mes poupées
mais plutôt mes croûtes aux genoux.
Ce que mes
parents devaient être fiers.
Option 1 : les
ranger dans le grenier et les laisser mourir sous la poussière ?
C’est une idée.
Ou option
2 : s’en servir dans la vie de tous les jours et faire plaisir à ceux qui
me l’ont inculquée et à ceux qui la reçoivent… ?
Bizarrement,
malgré les fessées, malgré mon caractère de chien et malgré mon point de vue
sur la question dix à quinze ans plus tôt [et qui tend à prouver que je suis
sur le point de me contredire], et bien oui, je vote pour l’option 2.
...Enchaînement du
tonnerre, laissez-moi vous dire que la notion de politesse à Bangkok est un peu
étrange.
Et il y a 2
détails qui me frappent depuis quelques temps [et vous allez vite comprendre
que le mot frapper est à prendre dans ses deux sens]
Combien de fois,
sans même y réfléchir, je me suis prise un double vitrage sur mon nez délicat.
Nan sérieusement,
je suis à deux doigts de faire une expérience et de me planter exprès devant
une porte et de ne pas la retenir pour voir la réaction des gens.
C’est vrai
j’ai l’impression d’être la seule à trouver ça anormal !
Alors,
effectivement, je ne réfléchis pas, pour moi c’est un peu acquis que si une
personne ouvre une porte et qu’elle voit quelqu’un arriver juste derrière
[ouhouh je suis là !], et bien, ma foi, elle retient la porte.
Au lieu de ça, ici
j’ai plutôt l’impression qu’on se conditionne très vite pour se dire :
« fais gaffe à ton nez ! »
A l’inverse,
quand c’est moi qui la retiens, on m’observe avec des yeux ronds plein
d’étonnement et on ne me dit pas merci.
Genre attention
je suis une extra-terrestre.
Quand on vient de
France, à la limite, on est sans doute moins marqué que lorsqu’on est
aussi passé par la Suisse [où le piéton est presque roi, pas moins]
Et bien ici,
c’est tout l’inverse.
C’est l’effet
Kiss Cool comme dirait mon chéri si je l’avais interviewé et je crois bien qu’il
a raison.
C’est-à-dire que
si vous voulez traverser un passage piéton et qu’une voiture arrive, et bien
c’est la voiture qui passera avant vous. Parfaitement.
Je dois dire qu’observer
les personnes reculer pour laisser passer des voitures voire, pire encore,
attendre que la voiture passe alors qu’elle s’est avancée sur le passage piéton
mais qu’elle ne peut pas aller plus loin à cause des bouchons, ça oui, ça me
sidère un chouïa.
Et moi dans ces
cas-là, je peux pas laisser faire une telle injustice !
[oui, des fois je
sens l’appel de la redresseuse de tort monter en moi]
Alors je me lance
dans l’aventure dangereuse qui consiste à lever la main pour devancer un
remerciement.
Ceci dit,
n’essayez pas trop souvent, car dans tous les cas, le chauffeur m’a contournée
[parce qu’il le pouvait bien sûr] et offert en guise de « pas de
quoi ! » un coup de klaxon des plus mémorables.
D’où l’effet Kiss
Cool ; un jour, vous verrez, on finira par passer au travers de la voiture
via la banquette arrière.
C’est quand même assez
frappant de constater que dans un pays ou on vous salue presque comme des
princes, on peut se comporter de façon aussi contradictoire.
Et pourtant, y’a
bien des fois où j’oublie tout pour un seul conducteur qui me roule sur les
pieds...
Nota à Moya : Ah bon ?
Carlos : oui ma belle, je suis là.
Moi : gloups.
Nota de petite voix : toi il t'en faut peu vraiment.
Moi : jalouse.